Aujourd'hui je veux vous parler d'une source qui me fait bien rire depuis que je l'ai découverte dans Gallica. Il s'agit de L'art de péter de Pierre-Nicolas-Thomas Hurtaut, première édition en 1751, réédité en 1776.
Au 18ième siècle, la mode est aux manuels explicatifs, L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert étant l'oeuvre maitresse de ce siècle des Lumières. D'ailleurs, les reconstituteurs utilisent ces sources habituellement sérieuses: L'Art du Tailleur, L'Art de la Lingère, L'Art du Perruquier, tous trois écrits par M. de Garsault. Pour les amateurs de boustifaille, il y a aussi le Cuisinier François, qui a été ré-édité très souvent au cours des 17 et 18ième siècles jusqu'à devenir une oeuvre reproduite pour la littérature de colportage.
Par contre, les contemporains savaient que cette idée de tout raisonner était parfois risible. D'ailleurs c'est probablement dans cet esprit qu'a été créé le livre dont je vous parle aujourd'hui.
L'art de péter est un livre pseudo-médical comique, à ne pas prendre au sérieux. D'ailleurs l'avis au lecteur est une véritable mise en garde du contenu de ce livre:
''Il est honteux, lecteur, que depuis le temps que vous pétez, vous ne sachiez pas encore comment vous le faite, & comment vous devez le faire''
Ce livre contient des maximes mémorables à propos des pets tels que:
'' un pet à temps lâché pourrait vous sauver la vie ''
'' un gros pet vaut un talent ''
'' pour vivre longuement, il faut donner à son cul vent ''
'' pisser sans péter, c'est aller à Dieppe sans voir la mer ''.
Selon M. Hurtaut, les pets sont divisés en deux grandes familles: muets et vocaux ou pétards. Le grand pétard est pleinement vocal et le petit pétard est semi vocal. Il y a aussi les pets diphtongues, les pets simples, les pets de demoiselles, les pets de maitres en fait d'armes, les pets de boulangers, les pets de femmes mariées, les pets de tailleurs, les pets de potiers de terre, les pets de bourgeoises, les pets aspirés, les pets muets, les pets secs, les pets foireux, les pets affectés, les pets involontaires... Le pire c'est que j'en passe, il y en a d'autres, étalés dans tous le livre.
Il y a aussi quelques anecdotes que les pets auraient fait fuir des personnages maléfiques comme les sorcières ou même le diable en personne. Apparemment, rien de mieux qu'un pet bien sonore pour faire fuir le Diable...
Il y a aussi quelques conseils de santé comme de ne pas retenir un pet trop longtemps, de peur que le pet remonte dans le corps. Que les vapeurs ainsi formées attaquent le cerveau et corrompent l'imagination. Sans parler des remèdes pour provoquer les pets...
Mon segment préféré dans ce livre est l'histoire du Prince Pet-en-l'air et de la reine des Amazones.
Je ne transcrirais pas l'histoire ici, le lecteur intéressé pourra la trouver dans les références que j'ai faites. Je conseille l'édition de 1776 parce que celle de L'art de péter de 1751 contient des bavures d'encre sur quelques pages rendant ardu la lecture. D'ailleurs, à ma connaissance, ce livre possède la première mention de l'expression ''pet-en-l'air'', ce qui deviendra une pièce de vêtement de femme. Peut-être que le nom de pet-en-l'air fait référence à ce livre, puisque le retroussé arrière de la robe (à la française, bien que l'histoire devrait se passer 3000 ans avant 1751...) de l'amazone sur la gravure est à la hauteur du pet-en-l'air décrit par M. de Garsault en 1769. Ni le dictionnaire de l'Académie Française de 1762 ni celui de 1777 , ni L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert ne mentionne la pièce de vêtement pet-en-l'air. Il y a environ vingt ans qui sépare l'édition des deux livres sur les différents arts: de péter et du tailleur. Mon hypothèse est que le nom pet-en l'air pour la pièce de vêtement est apparu et popularisé quelque part durant cette période à cause de l'histoire du Prince Pet-en-l'Air.
Mise à jour 2019-09-06: cette hypothèse a été prouvée fausse, un article est en cours de production pour actualiser la compréhension du pet-en-l'air.
Mise à jour 2019-10-24: Voici le lien de mon article sur les origines de l'expression ''pet-en-l'air''
À la toute fin de la description de la taille et de l'assemblage de la robe à la française, M. de Garsault écrit cette phrase Art du Tailleur 1769 |
L'édition de 1776 a été augmentée de la société des Francs-Péteurs, pour ceux qui désireront y être initiés. Je n'ai pas encore lu cette partie mais elle promet avec leur devise de liberté...
Bref, le pet est bien souvent un sujet risible dès le jeune âge. Il faut croire que les deux siècles qui nous séparent n'aient pas changé l'humanité sur ce point.
Mlle Canadienne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire