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dimanche 15 juin 2025

Les mystères du vêtement féminin au XVIIIe siècle, le cas du caraco

 

Bonjour,


Après avoir recherché le mot casaquin dans les ouvrages du siècle des Lumières, j'ai décidé de faire de même avec le mot caraco, bien qu'il me semble un peu ultérieur à ma période de prédilection, soit la première moitié du 18ième siècle. J'ai longtemps cru que les mots casaquin et caraco désignaient des coupes de vêtements différents. Ma recherche m'a prouvé autre chose, du moins en partie. Bref, le mot caraco est plus complexe que je n'avais imaginé.


Prêtons d'abord un oeil sur ce que les institutions muséales nous présentent comme des caracos.


Habillement de femme (caraco Jacket and petticoat)
LACMA



Caraco européen XVIIIe siècle
LACMA



Caraco anglais XVIIIe siècle
Victoria ans Albert Museum

Caraco anglais XVIIIe siècle
Victoria ans Albert Museum

Caraco néerlandais XVIIIe siècle
MET museum


Caraco belge 
MET museum


Caraco belge 
MET museum




Caraco et jupe 1775
Musée Galliera

Caraco et jupe 1775
Musée Galliera
Caraco entre 1770 et 1780
Musée Galliera
Caraco entre 1770 et 1780
Musée Galliera


Caraco entre 1775 et 1790
Musée Galliera

Caraco entre 1775 et 1790
Musée Galliera



Selon cette recherche, le caraco ne semple pas avoir de coupe particulière, tantôt ses basques sont plutôt allongées sur les hanches, tantôt elles sont presque inexistantes, la longueur des manches varie aussi d'un modèle à l'autre. Parfois il est ajusté au dos, parfois le dos a les mêmes plis que la robe à la française... Serait-ce que caraco est un synonyme de déshabillé, un vêtement court que l'on porte par commodité? Mais un vêtement court que les femmes portent par commodité est la définition de 1762 du dictionnaire de l'Académie française pour un casaquin et non pour un caraco qui n'apparait pas dans les dictionnaire du XVIIIe siècle. Pourtant il faudra attendre l'édition de 1832-35 pour voir apparaitre le mot caraco dans le dictionnaire de l'Académie française pour nous informer qu'il s'agit d'un vêtement de femme passé de mode.


Un peu plus tard dans le XIXe siècle, une explication linguistique lie davantage le caraco et le casaquin: ils seraient tous deux dérivés du mot casaque. (pour plus de détails sur le mot casaquin voir mon article sur le sujet).

Extrait de Histoire de la grammaire, origine et permutation des lettres, formation des mots, préfixes, radicaux et suffixes 
par Hippolyte Cocheris
1874
Source: Gallica


Extrait de Histoire de la grammaire, origine et permutation des lettres, formation des mots, préfixes, radicaux et suffixes 
par Hippolyte Cocheris
1874
Source: Gallica


Le passage le plus révélateur du nom caraco vient du Mercure de France, l'édition de septembre 1774 à la page 185 dissertant sur l'évolution des noms exotiques des objets du commun, on apprend que ''ce qu'on nomme caraco aujourd'hui se nommait autrefois petenlair''... Le caraco décrit ressemble de plus en plus à un casaquin à mon avis.


Source: Mercure de France septembre 1774, page 185




Cependant les descriptions alliant visuel et détails textuels sont d'une certaine rareté. C'est pourquoi l'ouvrage qui a été le plus utile à cette recherche a été La Galerie des modes et costumes français publiés à partir de 1778. Dans cet ouvrage qui lie la description à l'illustration, il n'est plus à douter que le mot caraco désigne un vêtement monté comme une robe mais qui n'est pas pleine longueur. Mon article est principalement basé sur ce document de la fin des années 1770.


Source:
Une erreur trop souvent commise par les amateurs de costume est de ne regarder que l'estampe dans ce type d'ouvrage. Même si le visuel est important, cet ouvrage nous offre la chance d'avoir aussi une description étoffée de chaque illustration. Voici la description:



 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


J'ignore complètement comment l'auteur de ces lignes a été capable de voir un tablier de mousseline sur ce pet-en-l'air/caraco de dos... 

Une autre estampe est encore plus fournies en détails sur le caraco.




 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779



Aussi au troisième quart du XVIIIe siècle, la robe s'est multipliée sans ses forme. Le caraco peut aussi être dérivé de la robe à la polonaise comme dans la prochaine estampe, même si la description sous l'illustration indique un négligé pour cette tenue, le descriptif y réfère comme un caraco à la polonaise:



 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


Parfois le caraco à la polonaise me laisse perplexe, je ne reconnais pas la coupe sur cette gravure pourtant y est référencée comme un espèce caraco à la polonaise mais aussi nommé caraco à la dévote. 


Source: Les musées de la ville de Paris

 Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779



Je suis vraiment reconnaissante de la description de la prochaine estampe. Bien que le mantelet occupe visuellement tout l'espace du torse, ce sont les jupes qui occupent la majorité de la description textuelle, en partie pour expliquer comment le caraco a influencé l'arrangement des jupes et jupons ainsi que l'usage des tabliers. (Attention: mamelon à l'horizon) :


Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779




Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779

La suite ici:

Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779



Décidément cette galerie des modes nous représente davantage des caracos à la polonaise que des caracos dérivé de la robe à la française:


Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


Enfin un autre caraco français, aussi nommé caraco plissé en raison des plis distinctifs que les amateurs d'art nomment aujourd'hui plis à la Watteau. Je répète la désignation plis Watteau est actuelle mais n'existait pas au XVIIIe siècle. On parlait simplement de plis sans autre précision.



Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779


Une autre gravure nous permettant d'admirer les plis d'un caraco français, autrefois nommé pet-en-l'air.


Source: La Galerie des modes et costumes français publiés en 1779






Dans le seul texte incluant les mots caraco et casaquin, l'auteur les met en opposition dans cet  échange critique de 1776 d'un tableau de M. Delacroix, mère corrigeant les enfants, la mère est une blanchisseuse habillée d'un déshabillé de toile blanche, ce que certains critiquent comme trop aisé pour sa prétendue classe sociale. Je n'ai pas été en mesure de retrouver l'oeuvre dont il est question ici (si jamais quelqu'un la trouve, faites-moi signe SVP).



Source: Journal des théatres, ou le Nouveau spectateur sur Gallica


Je constate cependant que le nom de caraco semble être des années 1770 et subséquentes, par opposition au casaquin qui lui était employé en 1729 dans les oeuvres de M. Hérisset. Cela me fait penser à un effet de mode voire générationnel, sans en avoir la certitude. 

Voici la plus ancienne mention de caraco que j'ai trouvée dans un avis de ventes du lundi 2 décembre 1771:

Source: Annonces, affiches et avis divers 2 décembre 1771, sur Gallica





Pour conclure, un caraco est une pièce de vêtement dont la coupe est très variable. Il indique un vêtement plutôt négligé que formel que les femmes ont porté à partir des années 1770, à moins d'avis contraire. 

J'espère que vous en avez appris davantage au sujet de la vêture féminine du XVIIIe siècle





Mlle Canadienne

















samedi 6 février 2021

Des Filles du Roy à la Conquête, chapitre 3: le manteau de 1670-1710

Bonjour,


Bienvenue à ce troisième chapitre de mon survol de l'évolution de la vêture féminine en Nouvelle-France. Vers 1670,  les derniers contingents de Filles du Roy qui traversent l'Atlantique sont de plus en plus réduits. En 1673, la dernière année de cette politique de peuplement, seulement une soixantaine de femmes ont fait la traversée


Je vous avais laissé au chapitre 2 avec ce tableau de foule représentant à la fois une Robe de Cour en rose à droite et un manteau de dos en noir et jaune: 

Louis XIV devant la grotte de Téthys
Artiste Anonyme
Après 1670
Collection du Château de Versailles

La mode du manteau, aussi appelé mantua en anglais et en espagnol, est la nouvelle mode émerge au cours de la décennie 1670 dans la métropole. À mon avis, cette mode est un premier pas vers le renouvellement fréquent et continu des modes que la France connaît depuis cette époque. Cela a aidé la France de Louis XIV à s'imposer comme modèle en matière de mode vestimentaire.


La jeune fille de l'artiste qui s'occupe de son frère;
 Artiste: Claude Lefebvre,
entre 1670 et 1675,
Collection du Musée National Magnin, Dijon

Cette peinture est la plus réaliste que j'ai trouvée illustrant cette mode particulière. J'adore les détails de rubans qui rappelle la mode des rhingraves masculines du milieu du XVIIe siècle.


Le manteau, conséquence de la reconnaissance des couturières par le pouvoir royal



Petit rappel historique par rapport à la confection de vêtements: Depuis le Moyen-Âge, la corporation des tailleurs d'habits a l'exclusivité de la confection des vêtements en France. L'article 4 de leurs statuts de 1660 confirme cet état de fait: «Il n'appartiendra qu'aux Maitres Marchands Tailleurs d'habit de faire et vendre toutes sortes d'habit et d'accoutrements généralement quelconques à l'usage d'hommes de femmes et d'enfants. » En jouant de ce privilège, la corporation portait plaintes sur plaintes au lieutenant de police général contre les couturières qui commençaient à leur gruger une part de marché, soit la confection de vêtements pour femmes et enfants. Malgré ces attaques répétées à l'encontre de ces marchandes, elles continuèrent à confectionner des vêtements.



C'est dans le contexte de la Guerre de Hollande que la communauté des couturières se verra bientôt accorder le statut de corporation. Louis XIV débute en 1672 cette guerre dans le but d'étendre son territoire vers le nord et de réduire la concurrence des marchandises hollandaises. 

La couturier
Gravure de 1695, édité en 1750
Source: Gallica




L'édit de mars 1673 prescrit la constitution en communauté pour tous les métiers dans les villes et les bourgs. Ainsi pour avoir le droit d'exercer son métier, il faut payer son droit de pratique, nommé brevet, à sa corporation et être reconnu maître par ses pairs. Gare à ceux qui exercent sans brevet... L'édit de mars 1673 avait d'abord pour but d'augmenter le nombre de métiers réglementés et ainsi augmenter les revenus liés à leurs droits de pratique.



Blason des couturières de Paris
Source: Catawiki
Les couturières furent comprises dans la liste des métiers de la ville de Paris à ériger en corporation. Leur nombre est estimé à 3000 dans la ville de Paris seulement dans cet édit de mars de 1673. Cette corporation fut légalement mise sur pied en 1675 avec ses articles, ses droits de pratiques et ses règlements et même son blason d'azur à la paire de ciseaux d'argent, ouverts en sautoir. Ainsi une couturière doit avoir cinq ans de formation (trois ans d'apprentissage suivis de deux années de services auprès d'une maitresse couturière) avant d'avoir le droit de devenir elle-même maitresse couturière. Les couturières ont le droit d'habiller les femmes et les enfants jusqu'à huit ans. La confection de vêtements féminins était un droit de pratique partagé entre couturières et tailleurs, cependant la confection des corps baleinés, et par extension des Grands Habits de dames, demeura la chasse gardée de la corporation des tailleurs, tout comme celle des habits d'hommes et de garçons de plus de huit ans. Près d'un siècle plus tard, en 1782, la corporation des couturières obtint le droit de fabriquer corsets et paniers à baleines, des robes de chambre pour homme ainsi que des dominos pour aller au bal. Informations tirées de l'article ''couturière'' du Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle par Alfred Franklin de 1906..


Pour faire valoriser sa manchandise on méprise celle d'autrui
Gravure de 1695, édité en 1750
Source: Gallica


La mode du manteau, qui m'intéresse dans cet article, est possiblement une répercussion directe de l'édit de mars 1673, et de l'officialisation du corps de métier des couturières. La légalisation du métier de maitresse couturière n'empêche pas la continuation de la mésentente légendaire avec les tailleurs d'habits. Si bien que dans leurs articles de corporation, il est interdit aux maitresses couturières d'épouser un tailleur d'habit.  Contrairement aux robes des grands habits qui demeurent la chasse-gardée des tailleurs de par leur ajustement de corps à baleines, il est permis pour les couturières de fabriquer la nouvelle mode du manteau.





Madame la duchesse du Maine,
Artiste Henri Bonnart,
fin XVIIe siècle,
Collection du Château de Versailles.


Dame en habit garni d'agréement
Artiste inconnu
Vers 1685-1690
Collection du Rijksmuseum

La mode du manteau fait varier les textures et couleurs entre la jupe, le manteau et son retroussé.


esquisse d'une femme agenouillée
Artiste Antoine Watteau
Non daté
Source: Artnet

Sous l'article manteau dans le Dictionnaire de l'Académie française de 1694,  on peut lire «les femmes appellent aussi manteau, une espèce de robe plissée qu'elles portent avec une ceinture ». Avec le manteau, le vêtement de soutien de l'époque, qui s'appelle alors corps baleiné (aujourd'hui souvent confondu avec le corset), devient un sous-vêtement et ce de façon définitive dans la garde-robe quotidienne des bien nantis.  Munir une robe de baleines est un processus long et coûteux qui perdurera pour les Grands Habits de cour. Le manteau, contrairement à ces derniers, permet de faire varier plus facilement la pièce extérieure. Le corps à baleine reste un accessoire essentiel mais indépendant du manteau et recouvert par celui-ci. 

Définition du mot manteau
Dictionnaire de l'Académie Française, dédiée au Roy
1694
Tome 2, M-Z
Page 21
Source: Gallica

D'où vient ce terme, manteau?

Le terme manteau fait son apparition dans le vocabulaire français, ou devrais-je dire proto-français, dès le XIIe siècle et fait référence à l'idée de couvrir.  Au départ, le manteau est synonyme de cape, à partir de 1670, il s'agit aussi de la dernière pièce de vêtement que les dames enfilent pour leur toilette lors de l'habillement. Le manteau des femmes de la fin du règne de Louis XIV est, la plupart du temps, ouvert en avant, laissant voir soit le corps baleiné ou bien une pièce d'estomac, qui recouvre galamment l'ouverture laissée par le manteau. Le Mercure Galant, premier magazine de mode et revue officielle de spectacles, constate en 1678 que: 

« on n'y met presque plus que ce qui s'appelle des manteaux. Les robes ne sont que pour les visites de cérémonies ou pour celles qu'on rend aux gens d'un rang plus élevé que celui que l'on tient, & on ne s'en sert ni pour voir familièrement ses amies, ni pour les parties de promenade.»


Pages 380 et 381 
Mercure Galant, 
Quartier de Janvier 1678
Tome 1
Source: Google Books

Il est intéressant que pour les auteurs du Mercure Galant, le manteau n'est pas une robe et que le terme semble exclusif au Grand Habit, qui est le seul moment où les dames sont «habillées» La page de gauche ne suggère-t-elle pas que l'appellation robe ne convient qu'aux robes de cour? Je note la graphie particulière du «déshabillé» en «Des habillé d'Hyver» avec la page de droite. Cela indique peut-être l'origine de l'expression du XVIIIe siècle de «déshabillé» comme synonyme de vêtements usuels. Si le filon semble bon, il serait tout aussi bon de le creuser avant d'affirmer quelque chose à ce sujet.


Femme de qualité en déshabillé d'été
Artiste Jean Dieu de St-Jean
1683
Source: Gallica

Femme de Qualité en déshabillé d'étoffe siamoise
Jean Dieu de St-Jean
1687
Source: Gallica


Femme de Qualité en déshabillé
Auteur Jean Dieu de St-Jean
1690
Source: Gallica


La coupe du manteau est complexe, de même que la façon de le porter. Il est formé de plis larges au dos (parfois cousus, parfois seulement placés) ainsi que d'un savant retroussement de cette abondance de tissu sous la ceinture qui permet de voir l'envers du manteau. Si le Grand Habit se caractérise par l'uniformité des tissus de la jupe apparente et du corsage, le manteau, lui, varie les motifs et les couleurs des tissus entre le manteau, son revers, la jupe et la pièce d'estomac. C'est dans la décennie de 1680 qu'apparaît le terme falbala, désignant à l'origine une bande plissée régulièrement disposée sur la jupe qui la décore.


Femme de qualité en Stenkerke et falbala
Artiste Jean Dieu de St-Jean
1693
Source: Gallica


Louise Benedicte de Bourbon, Duchesse du Maine
Artiste Jean Mariette
XVIIe-XVIIIe siècle
Collection du Château de Versailles


Études de coiffure à la Fontange
Artiste Bernard Picart
1703
Collection du Rijksmuseum


Cette coiffure en hauteur et dentelles, visible sur plusieurs des portraits présentés jusqu'à présent est caractéristique des dernières décennies du règne de Louis XIV et s'appelle la Fontange. Selon la légende, Mlle de Fontange aurait improvisé cet arrangement de cheveux lors d'une partie de chasse royale en 1679. Après une chute ou simplement une chevauchée haletante, elle retrouve décoiffée. Elle aurait remonté ses cheveux sur le dessus de sa tête avec un simple ruban afin de poursuivre l'activité équestre. Cela aurait tellement plu au Roi-Soleil qu'il lui aurait demandé à passer la soirée coiffée de la sorte. Le lendemain toutes les dames de la Cour arboraient déjà cette coiffure en hauteur, voulant plaire à Sa Majesté Louis XIV. Informations tirées du livre «Histoire des modes et du vêtement, du Moyen-Âge au XXIe siècle».


Je n'ai pas trouvé de sources primaires par rapport à cette légende, qui a plusieurs versions. Dans certaines, c'est une jarretière qui fait office de ruban. Dans d'autres, une brindille s'est mêlée aux cheveux, permettant de faire prendre de la hauteur à la coiffure. Cette légende montre avec quelle facilité une nouvelle mode pouvait être créé à la cour de Versailles.

Le séjour de Mlle de Fontange à la cour fut très bref, de 1679 à 1680 avant de mourir en juin 1681. Elle fut la dernière maitresse du Roi-Soleil avant qu'il ne se marie avec Mme de Maintenon. Les indications que j'ai trouvées jusqu'à présent ne permettent pas de savoir si Mlle de Fontange elle-même a su qu'elle avait engendré une coiffure de mode.




La Fontange et le manteau sont possiblement les éléments de mode pour lesquels nous avons le plus de documentation en Nouvelle-France. En plus d'apparaître en peinture dans deux ex-voto peints en Nouvelle-France, celui  de Mme Riverin et celui de l'enfant malade du musée de Vaudreuil-Soulanges, la coiffure à la Fontange est aussi nommée dans les nouveaux voyages de M. Baron de Lahontan dans Amérique Septentrionale publiés en 1703. Ce dernier décrit le zèle des curés de la Nouvelle-France qui refusent la communion aux femmes des nobles pour une simple Fontange de couleur.


Détail de l'ex-voto de Madame Riverin
Date 1703
Auteur Anonyme
Collection du Musée National des Beaux-Arts du Québec
Crédit photo: Joseph Gagné

Ex-voto de l'enfant malade
Date 1697
Artiste Anonyme
Collection du Musée régional Vaudreuil-Soulanges

 


D'ailleurs, les écrits de cette période en Nouvelle-France qui parlent de vêtements féminins en cette fin du XVIIe siècle proviennent principalement d'ecclésiastiques qui se plaignent de l'indécence vestimentaire féminine.

 

Monseigneur de Laval utilisa sa plume pour exprimer son irritation envers les femmes de sa paroisse qui paraissaient dans l'enceinte de l'église trop dénudées à son goût. Je cite un extrait de son Mandement contre le luxe et vanité des femmes et filles dans l'Église de 1682:

 

«De quels crimes ne sont pas punissables et de quels punitions ne doive pas attendre celles qui portent cet appareil fastueux jusque dans nos églises, paraissant dans ces lieux consacrés à la prière et à la pénitence avec des habits indécents, faisant voir des nudités scandaleuses de bras, d'épaules et de gorges, se contentant de les couvrir de toile transparente,  ce qui sert bien souvent à donner plus de lustre à ces nudités honteuses »


Portrait de Madame Helyot
Artistes: Gérard Edelinck, Claude François et Jacques Galliot
 1685
Source Gallica

Monseigneur de Laval, premier évêque de Québec, rêvait probablement de faire de toutes les femmes de la colonie des femmes aussi pieuses et dévôtes que Madame Heylot. Malheureusement pour lui, la coquetterie et la vanité ne sont pas restées en France et se sont propagées au travers de la colonie.

Dame se promenant à la Campagne
Artiste Jean Dieu de St-Jean
Vers 1675- 1683
Source: Gallica



 

Le décolleté du manteau, dont vraisemblablement se plaint l'évêque Monseigneur de Laval, est variable d'une gravure à l'autre. Certaines, comme celles-ci, montrent un décolleté d'épaules qui a sans doute fait tiquer plusieurs ecclésiastiques comme Monseigneur de Laval.

Dame en habit de ville
Artiste: Jean Dieu de St-Jean
Fin XVIIe siècle
Collection du Musée Carnavalet

 



Il existe quelques rares exemplaires de manteaux dans les musées, cependant ils sont d'autres nationalités que française pour ceux que je connais et relativement tardifs de la période.


Manteau et jupe assortis
origine britannique
Artiste inconnu
Fin XVIIe siècle
Collection MET, metropolitan museum of art

Manteau, jupe et pièce d'estomac assortis
origine italienne
Artiste inconnu
Vers 1700
Collection LACMA, Los Angeles County Museum of Art




Manteau et jupe assortis
origine britannique
Artiste inconnu
vers 1708
Collection MET, metropolitan museum of art


Pour cette mode, j'ai trouvé beaucoup plus de portraits et gravures de foules avec des dames portant un manteau que la précédente, la robe de cour. 

D'abord, un petit rappel des capacités guérisseuses divines des Rois de France avec ce portrait de Louis XIV guérissant les malades.

Louis XIV touchant les malades des écrouelles
Artiste Jean Jouvenet
Non-daté
Collection de l'Abbatiale de Saint-Riquier
Source: Wikimedia Commons


On voit bien que la jeune fille en jaune et rouge au centre porte un corps à baleines en raison de l'angle de son tronc ainsi que la rectitude de son dos qu'elle fait pour voir Louis XVI tout en étant agenouillée. Aussi il s'agit d'une rare peinture montrant une coiffure à la Fontange de dos avec détails.

Ensuite, voici une vue perspective des jardins de Versailles:


Vue perspective du Bosquet de la Galerie des Antiques
Artiste Jean-Baptiste l'Ainé Martin
1688
Collection du Château de Versailles

J'adore ces vues en perspectives avec plein de petits détails que je vous partage avec plaisir.

Détail de
Vue perspective du Bosquet de la Galerie des Antiques
Artiste Jean-Baptiste l'Ainé Martin
1688
Collection du Château de Versailles


Détail de
Vue perspective du Bosquet de la Galerie des Antiques
Artiste Jean-Baptiste l'Ainé Martin
1688
Collection du Château de Versailles

Certaines dames, comme celle-ci en bleu et violet, préfèrent garder le Grand Habit lors de leur promenade dans les jardins autour de Versailles.


Détail de
Vue perspective du Bosquet de la Galerie des Antiques
Artiste Jean-Baptiste l'Ainé Martin
1688
Collection du Château de Versailles

Le souci du détail des costumes me fascine, surtout pour une oeuvre de paysage. Le revers noir de ce manteau rouge crée un effet dramatique à mon avis.

Détail de
Vue perspective du Bosquet de la Galerie des Antiques
Artiste Jean-Baptiste l'Ainé Martin
1688
Collection du Château de Versailles



Le manteau apparait aussi dans des peintures d'évènements extérieurs comme cette visite de chantier de Marseilles:



Le marquis de Seignelay et le duc de Vivonne visitent la galère Réale dans l'Arsenal de Marseille
Artiste Anonyme
Vers 1677
Collection du Château de Versailles


Quelques dames se sont jointes pour visiter la galère:
Détail de
Le marquis de Seignelay et le duc de Vivonne visitent la galère Réale dans l'Arsenal de Marseille
Artiste Anonyme
Vers 1677
Collection du Château de Versailles



D'autres gravures perspectives montre des promeneuses habillées de manteaux.


''Vue de la fontaine du point du jour (cabinet des combats d'animaux sud) dans les jardins de Versailles''
Artistes: Dominique Girard et Jean Raymond
1714-1715
Collection du Château de Versailles

Détail de
''Vue de la fontaine du point du jour (cabinet des combats d'animaux sud) dans les jardins de Versailles''
Artistes: Dominique Girard et Jean Raymond
1714-1715
Collection du Château de Versailles



Les prochaines gravures tirées de l'oeuvre de Nicolas Guérard montrent des gens de Paris dans leur quotidien et l'adoption lente de la mode des manteaux pour des classes sociales moins aisées, hormis pour la première qui montre une dame louant les services pour une chaise à porteur.


''Vive Paris on a tout a souhait''
gravure de Nicolas Guérard
XVIIe siècle
Collection du Musée Carnavalet




''Parguyé je suis François et non pas Turcque..''
gravure de Nicolas Guérard
XVIIe siècle
Collection du Musée Carnavalet

Le retroussement du bas du manteau est plus brouillon pour les femmes du commun que ceux des dames de qualité mais l'imitation est visible.


''Tu as menti vilain hatabas''
gravure de Nicolas Guérard
XVIIe siècle
Collection du Musée Carnavalet




''Diverses petitte Figure des Cris de Paris''
gravure de Nicolas Guérard
XVIIe siècle
Collection du Musée Carnavalet

Certaines coiffures ressemblent plus à la Fontange que d'autres.

''L'embaras de Paris''
gravure de Nicolas Guérard
1er quart XVIIIe siècle
Collection du Musée Carnavalet

À votre tour maintenant de trouver des manteaux de femme sur cette gravure montrant les embouteillages de Paris sur le Pont-Neuf au début du XVIIIe siècle!


Terminons ce tour d'horizon de la mode des manteaux avec un portrait de la fin de cette période.

Portrait de Mme Monginot et son époux
Artiste Jean-François Troy
Vers 1710-1713
Collection du Musée d'Art de Nantes


 Ce manteau est sobre, composé de velours marron aux revers également de velours noir visible à l'encolure, aux manches.

 

On peut dire que la mode du manteau durera pendant une quarantaine d'années, jusque vers les années 1710.


Comme nous le verrons dans le prochain article, le manteau évoluera en la prochaine mode: la robe volante, dans ses débuts appelée manteau volant.


Amour paisible
Artiste Antoine Watteau
1718-1719
Collection du Musée du Château de Charlottenburg
Source: Universalis.fr

Même si je présente les modes de façon chronologique, il faut se rappeler que l'émergence d'une nouvelle mode au détriment d'une autre est un processus lent qui occasionne des périodes de chevauchements comme dans ce portrait dAntoine Watteau où le manteau côtoie la prochaine mode, la robe volante.






Mlle Canadienne













Les mystères du vêtement féminin au XVIIIe siècle, le cas du caraco

  Bonjour, Après avoir recherché le mot casaquin dans les ouvrages du siècle des Lumières, j'ai décidé de faire de même avec le mot cara...