samedi 13 octobre 2018

Les perruquiers en Nouvelle-France

Bonjour,

Pour continuer le thème des barbiers-perruquiers, je voudrais tout d'abord faire remarquer que le métier de perruquier n'était pas limité à la métropole et qu'il y a eu des perruquiers en Nouvelle-France.


La première fois que j'ai eu vent de la présence d'un perruquier en Nouvelle-France, c'était lors de ma visite en juin dernier (2018) au Château Ramezay. Leur exposition au sous-sol mettait en vedette un valet-barbier-perruquier dont le nom m'échappe malheureusement, aux côtés de Jean-Baptiste-Nicholas-Roch de Ramezay et de sa soeur Louise de Ramezay.

Apprenant que nous, Michel Thévenin et moi-même, préparions une conférence sur la mode capillaire masculine du XVIIIe siècle pour les rendez-vous d'histoire de Québec d'août dernier, Sophie Imbeault, historienne et éditrice, nous a gracieusement fait parvenir une liste de perruquiers apparaissant dans les déclarations de papiers du Canada de Québec et Montréal pour les années 1763 et 1764.
 

Afin de mieux comprendre les termes financiers apparaissant dans cette liste, je vais commencer par vous expliquer les différents types de monnaie de papiers en lien avec ce que les Français ont nommé l'Affaire du Canada.


La question du papier du Canada est peut-être ce qui a le plus ébranlé la France après la perte de la Nouvelle-France. En effet, durant les années de guerre, manquant de liquidités, la monnaie de carte, les ordonnances et les lettres de changes ont été utilisées pour payer les besoins divers de la société coloniale. Dans la décennie qui a suivi la perte de la Nouvelle-France, la couronne française va chercher à liquider les dettes engagées par l'utilisation de cette monnaie et à les rembourser.


La monnaie de carte, était émise par les autorités administratives de la colonie (principalement l'intendant) avec la permission du roi afin de pallier le manque de monnaie sonnante et trébuchante dans la colonie canadienne. Elles étaient un ''en attendant'' d'avoir l'équivalent physique de monnaie et étaient destinées à être brûlées lorsqu'échangées pour de ''la vraie argent''. Au début, elles étaient inscrites sur des cartes à jouer. En 1674, Jacques Meulles est l'initiateur de l'utilisation de la monnaie de carte dans la colonie du Canada.




Reproduction d'une monnaie de carte de 1714


Par la suite, les cartes à jouer ont été remplacées par des bouts de carton blancs. La monnaie de carte avait souvent de petites valeurs comme 7 sols et 15 deniers, ou 15 ou 30 sols. Elles pouvaient aussi avoir une valeur un peu plus grande comme 3, 6, 12 ou 24 livres.


Monnaie de carte, 1749

Les ordonnances semblent être apparues un peu plus tardivement. Elles étaient produites à l'imprimerie Royale à Paris, numérotées et signées par l'intendant en place. Les ordonnances sont associées à des montants plus importants variant de 20 sols à 1000 livres. L'ordonnance est un engagement de l'intendant dans lequel il promet rembourser la somme qu'il a inscrite sur le papier de l'ordonnance avant une date déterminée. 

Les ordonnances et la monnaie de carte circulent librement dans la colonie et sont utilisées majoritairement comme monnaie courante, considérant la rareté continuelle de pièces de monnaie dans la colonie.

Un troisième type de papier de monnaie s'appelle les lettres de changes. Elles sont produites par les trésoriers généraux. Ce type de papier monnaie était également utilisé sur le continent européen, contrairement aux ordonnances et aux monnaies de carte. Au Canada, au début d'octobre, les canadiens allaient voir le trésorier afin d'échanger leurs monnaies de carte et ordonnances en lettres de change.

À gauche: ordonnance de 1753; À droite lettre de change de 1759


Tout ceci pour mieux comprendre l'ampleur des avoirs des perruquiers à la fin de la guerre de Sept Ans. Voici la liste des perruquiers, leurs noms, leur lieu de pratique et les sommes demandées en remboursement de leur monnaie de papiers durant cette période de transition.


Montréal 

Tison, perruquier, Montréal, 2004 livres en ordonnances et 578 livres en lettres de change Eustache Parant, perruquier, Montréal, 1164 livres en ordonnances 
Toussaint Rebou père, perruquier, Montréal, 805 livres en ordonnances 
Michel Rebou fils, perruquier, Montréal, 803 livres 10 sols en ordonnances 
Joseph Pampalon, perruquier, Montréal, 593 livres 10 sols en ordonnances 
Pinguet, perruquier, Montréal, 210 livres en ordonnances 
Pierre Compain, perruquier, Montréal, 3333 livres en ordonnances 
Saint-Jean, perruquier, Montréal, 2125 livres 10 sols en ordonnances 
Laviolette, perruquier, Montréal, 3436 livres en ordonnances 
Larche, perruquier, Montréal, 4299 livres en ordonnances

Boucherville
Charles Carpentier, perruquier, Boucherville, 380 livres en ordonnances

Québec

Pierre Onel, perruquier de Québec, pour son frère Onel, absent de la colonie, la somme de (24 livres en monnaie de cartes et 852 livres 10 sols en ordonnances) appartenant à ce dernier, 9 avril 1764
Jean-Baptiste Derouvray, perruquier de Québec, 3000 livres en letttres de change, 1230 livres en ordonnances, 5 mai 1764

Ce qui est étonnant à mon avis, c'est de voir que la majorité des perruquiers exerçaient à Montréal alors que la capitale de la colonie du Canada est Québec. Présentement, je suis incapable d'expliquer cette différence de répartition. Peut-être que Montréal, étant le centre de la traite des fourrures, était plus propice à avoir des barbes à raser et des cheveux à tailler vu la quantité d'hommes de passage en direction ou en provenance des Pays d'en Haut que Québec. Peut-être que quelqu'un d'autre pourra expliquer cette dispersion mieux que je ne le puis.


Pour cet article, j'aimerais remercier publiquement la générosité de Sophie Imbeault pour le partage de ses connaissances sur les papiers du Canada. Pour de plus amples détails sur la monnaie de papier dans la colonie, lire son article: 
La dette de la France: les papiers du Canada. Une meilleure description des différents papiers de monnaie disponibles en Nouvelle-France se retrouve dans le livre: 1763. Le traité de Paris bouleverse l'Amérique.


J'espère que vous aurez apprécié cet article,


Mlle Canadienne

8 commentaires:

  1. extrêmement intéressant. Permet d'aborder un aspect plutôt méconnu de cette range d'histoire
    merci

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  2. Pour un projet sans rapport, je suis tombé sur quelques perruqiuers dans ma recherche à travers les actes notariés

    09 03 1759 (1744-1775) [Panet, J.-C.] (Qc)
    Vente d'une maison située en la ville de Quebec, rue Sous le Fort; par Marie-Catherine Brissebois, veuve de François Launiere, interprète pour le Roi, et Joseph Loniere, interprète pour le Roi, à Honoré Gignier, maître perruquier et Catherine Dyverni, son épouse, de la ville de Québec.

    26 07 1776 (1773-1786) [Berthelot-Dartigny, M.-A.] (Qc)
    Observation: Charles Mauberg est allemand de nation.
    Engagement en qualité de compagnon perruquier de Charles Mauberg, de la ville de Québec et Henri Crébassa, négociant et interprète, de la ville de Québec, à Etienne Bois, maître perruquier, de la ville de Québec.

    09 06 1766 (1750-1776) [Saillant de Collégien, J.-A.] (Qc)
    Bail à loyer d'un emplacement et d'une maison en pierre situés en la ville de Québec, rue Sainte Anne; par Nicolas Duflos, maître traiteur, de la ville de Québec, rue Sainte Anne, à Guillaume Gregory, écuyer et juge en chef de la province de Québec, demeurant à Saint Foy, assisté de Jérémie Duggan, perruquier, de la ville de Québec, à titre d'interprète.

    13 08 1760 (1745-1769) [Souste, A] (Mtl)
    Vente d'un emplacement situé au faubourg de Ste Marie; par Jean-Baptiste Rousaux dit St Jean, interprète pour le Roi et Marie-Renée Brunet, son épouse, de la ville de Montréal, à Jean-Baptiste Mapeyreaux dit St Pierre, maître perruquier, de la ville de Montréal, faubourg de Ste Marie.

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    1. D'autres perruquiers en Nouvelle-France !!!! Youpi!
      Trois de plus pour Québec, un pour Montréal. La balance numérique penche toujours pour Montréal...

      Merci Joseph!

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  3. En passant, il faudrait aller à BAnQ et fouiller dans PARCHEMIN, l'inventaire recherchable des actes notariés pour avoir le coeur net et bien énumérer tous les perruquiers.

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  4. Un marchand péruquier à Quėbec vers 1751, Jacques Sébastien Gueroult https://www.la-genealogie-dherve.com/articles/enigmes/315-jacques-sebastien-gueroult-a-quebec-et-a-bastia.html

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    1. Merci pour l'information, il s'ajoute à la liste des perruquiers ayant vécu en Nouvelle-France.

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  5. I'm very interested in your source for the perruquier, Pierre Onel, regarding his brother (François) and money due him. Pierre's son, Antoine was an orfèvre in Sainte Genevieve, Missouri in the US.

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