dimanche 7 mars 2021

Des Filles du Roy à la Conquête, chapitre 4: la robe volante 1710-1740

Bonjour,

Dans le dernier chapitre, je vous avais laissé avec une peinture qui montrait un manteau, porté par la dame assise de dos en bleu et rouge et les deux autres dames en rose et en jaune ont une robe volante:

Amour paisible
Artiste Antoine Watteau
1718-1719
Collection du Musée du Château de Charlottenburg
Source: Universalis.fr


 

La décennie 1710 se voit remplie de bouleversements dans plusieurs sphères de la société, dont la mode. En Nouvelle-France, le plus grand bouleversement est le traité d’Utrecht de 1713, qui cède la moitié de l’Acadie aux Britanniques. Aussi, le 1er septembre 1715, Louis XIV, le roi Soleil s’éteint, cédant son royaume au jeune Louis XV âgé de 5 ans, son arrière-petit-fils. La régence est assurée par Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV. Tandis qu'à la cour du Roi-Soleil,  le roi et ses courtisans sont toujours en représentation, le régent instaure un style de gouvernance séparant les sphères politique et publique de la sphère privée.


Du côté des écrits concernant la mode en Nouvelle-France, je n'ai malheureusement trouvé aucune source à vous mettre sous la dent pour cette période précise.


C'est durant cette période, du point de vue de la mode, que les balbutiements du manteau volant commencent vers 1710. Au début, il s'agit d'un manteau qui n'est plus ajusté à la taille par la ceinture. Jean-Antoine Watteau fut l'artiste le plus prolifique de la décennie 1710 à ma connaissance, c'est pourquoi ses oeuvres seront souvent présentées au début de ce chapitre.



The rest
Antoine Watteau 
vers 1709
Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid



Diseuse de bonne aventure
Antoine Watteau
1710
Fine Arts Museums of San Fransisco Museum


Couple élégant au bord d'une fontaine
Antoine Watteau
Non daté
Collection privée 
Source: Mutual Art



Femme marchant
Planche no 7 des ''Figures de modes''
Jean-Antoine Watteau 
Vers 1710
Art Museum of Philadelphia

Femme marchant de dos
Jean-Antoine Watteau
Vers 1710
Art Museum of Philadelphia



Le manteau n'est plus ajusté à la taille et plusieurs dames remontent leurs jupes avec une seule main au niveau du bas du dos. Était-ce la manière élégante de se promener au début du XVIIIe siècle? Je n'ai pas assez poussé ma recherche dans les traités de civilités pour affirmer quelque chose à ce sujet.

Plusieurs personnes attribuent l'invention de la robe volante, aussi dite robe battante ou robe ballante, à Mme de Montespan, une célèbre maitresse de Louis XIV. L'origine de cette attribution tient d'une lettre de la Palatine, femme de Philippe d'Orléans, le frère de Louis XIV. Le 9 août 1718, à 67 ans, elle écrit à propos de la Montespan:

Extrait de la Correspondance complète de Madame la duchesse d'Orléans,
née princesse Palatine
Par M.G. Brunet
1863
Source: Google Books 


L'animosité de la princesse Palatine envers Mme de Montespan est plus que présente dans cette lettre. Il y a une question de datation que j'aimerais soulever ici. Cette lettre fut écrite au moment même où la robe volante devient la mode principale mais parle d'évènements qui se seraient produits de 40 à 50 ans plus tôt. Les grossesses de Mme de Montespan se sont déroulées entre 1669 et 1678. Tous ces éléments mis ensemble: la distanciation temporelle entre le moment des faits et son rapport écrit, l'âge plutôt avancé de l'épistolière, l'apparition d'une nouvelle mode qu'elle déteste et l'animosité palpable qu'elle entretient envers la maitresse du Roi, me font penser qu'il pourrait s'agir d'un «souvenir inventé». Je ne suis pas ici pour faire de la psychologie et je ne suis pas experte dans le domaine mais je sais que c'est une possibilité de créer des souvenirs en faisant des associations là où originalement il n'en existe pas. C'est mon hypothèse pour cette attribution de la robe battante à Mme de Montespan de la part de Mme d'Orléans, princesse Palatine. Chose certaine, la mode étant fluctuante, il est faux de présenter les robes battantes de cet article (1710-1735) comme étant le résultat direct des agissements la Montespan lors de ses grossesses (1669-1678). 

Je vous invite à un petit interlude aux robes de chambre des dames du XVIIe siècle.

Voici les images les plus contemporaines aux grossesses de Mme de Montespan pour les robes de chambre que j'ai trouvées. 

Femme de dos
Sébastien Leclerc
1679
Source: Bibliothèque de Lyon

Voici la seule image presque contemporaine à Mme de Montespan qui pourrait être une robe volante de grossesse. N'ayant que peu de contexte autour de cette gravure, il m'est difficile de dire de à quel type de vêtement elle fait référence.


Je suis consciente que pour les gravures suivantes, il y a quelques années de décalage malgré mes recherches. Pour celles pour lesquelles j'ai une date, elles sont 10-20 ans trop tardive par rapport aux grossesses de la Montespan.
Femme de qualitez indisposée qui va jouer aux cartes
Artiste anonyme
Fin XVIIe siècle
Source: Gallica


Femme de qualité en déshabillé se reposant sur un lit d'ange
Artistes: Nicolas Bazin et Jean-Dieu de St-Jean
1686
Source: Gallica


Mademoiselle d'Armagnac en robe de chambre
Artiste Antoine Trouvain
1695
Source: Gallica

Madame de Soisson en Robe de chambre
Artiste: Antoine Trouvain
Fin XVIIe siècle
Source: Gallica



Fin de l'interlude sur les robes de chambre du XVIIe siècle...


À plusieurs reprises, Madame la Duchesse d'Orléans écrit son déplaisir de voir ce type de robe de plus en plus répandu. Le 12 avril 1721 elle écrit à la Duchesse de Hanovre: « [...] nulle femme qui en porte n’est-elle admise en ma présence : c’est comme si on allait se mettre au lit. Il n’y a aucune règle pour les modes : ce sont les faiseuses de robes de chambres et les coiffeuses qui les font. » La ressemblance avec une robe de chambre est principalement ce qui est reproché à cette nouvelle mode.

Deux études d'une femme assise par terre tenant un éventail
Artiste: Jean Antoine Watteau
vers 1717
Collection Musée Condé, Chantilly

Un autre nom que je rencontre moins souvent qui désigne parfois la robe volante et parfois la robe à la française est une Andrienne. Ce nom serait dérivé de la pièce de théâtre homonyme jouée pour la première fois devant un public français en 1703. L'actrice jouant «Glycérie relevant des couches», Marie Carton-Dancourt, parut dans la première représentation de la pièce habillée d'une robe longue, large, ouverte et flottante et la mode se serait emparée de cette manière de se vêtir par la suite. Selon cette version, Mme de Montespan n'est pour rien dans l'apparition de cette mode. Un recueil sur le théâtre de 1733 par Maupoint, note que:

  «une remarque à faire sur cette pièce est que la Demoiselle d'Ancourt la mère qui représentait l'Andrienne, imagina une sorte de Robe abattue qui convenait à ce rôle dont la mode s'établit & continue encore aujourd'hui, ces robes retiennent le nom d'Andriennes.» 

Si Mme la duchesse d'Orléans tente de faire tomber en disgrâce autant la nouvelle mode de la robe volante que Mme de Montespan en disant que le vêtement était inventé pour cacher des grossesses inopinées, Maupoint tente de trouver l'origine de la mode qui a encore cours. À mon avis, Maupoint a un point de vue beaucoup plus neutre que Mme la duchesse d'Orléans. Cependant, tous les deux écrivent plusieurs années après les faits rapportés. Un exercice intéressant serait de scruter les écrits de la période pour savoir quels termes sont utilisés le plus souvent pour décrire la robe volante, robe ballante, manteau volant, Andrienne. Cependant cela ne sera pas le sujet de cet article.

Un nouvel accessoire va permettre à la robe volante de prendre son envol: le panier.


Marché aux paniers et cerceaux
 rétably par arrestation devenue
 en faveur des Filles et des femmes
 à la mode rendu en 1719
 Estampe extraite de la Collection de l'Histoire de France
année 1719, vol 53
 figurant dans
 
Histoire des modes et du vêtement, du Moyen-Âge au XXIe siècle

Formé de jonc, de bois ou de baleine, ils solidifient la forme des jupes des dames. On les voit ici dans cette satire, le marché aux paniers et cerceaux en 1719. Il s’agit de la première représentation visuelle des paniers. Ce que je remarque surtout dans cette illustration à caractère humoristique, c'est que les femmes illustrées portent toutes la mode du manteau alors que ce dernier est entrain de tomber en désuétude durant la décennie 1710 comme illustré dans les peintures de Watteau plus haut. Cette idée de nouvelle mode sous les jupes mais ancienne mode à l'extérieur pourrait également faire partie de la blague. Il faut le rappeler, une satire est une exagération de la réalité, il faut les regarder comme on regarde des caricatures aujourd'hui.








Dans la décennie 1720, la robe volante devient distincte du manteau avec ses fameux larges plis au dos. La critique de l'époque était que la robe volante évoquait la robe de chambre. Pour l'ancienne génération de l'époque, habituée à la stricte étiquette de la cour de Louis XIV, c'était un peu comme de se promener au restaurant huppé en pyjamas en 2021, inapproprié et légèrement indécent.


Femme assise
Artiste Jean Antoine Watteau
1er quart XVIIIe siècle
Musée du Louvres

jeune femme assise à terre, tournée vers la gauche, la tête vue de trois-quarts vers la gauche
  Auteur Jean Antoine Watteau,
 1715-1716,
 Collection musée Condé, Chantilly



Femme de dos
Artiste: Jean-Antoine Watteau
Non-daté
Collection Musée des Beaux-Arts d'Orléans


Femme de dos,
Artiste Jean Antoine Watteau
18e siècle
Collection du musée des Beaux-Arts de Valenciennes


L'enseigne de Gersaint
Artiste Jean Antoine Watteau
1720
Collection Château Charlottenburg, Berlin
Source: Wikipédia

Jean Antoine Watteau est l'artiste idéal pour décrire la première décennie de la robe volante (1710-1720) car il était fasciné par les drapés de tissus. Ce célèbre artiste est malheureusement décédé en 1721. Cela nous assure que ses oeuvres se situent toutes au début de la mode des robes volantes et un peu à la fin des manteaux du dernier chapitre.

Au plus fort de la vague de la mode des manteaux-volants, ou robes volantes, le panier est décrié comme étant un artifice trompeur par le chevalier de Nisart,  dans un pamphlet, intitulé «Satyre sur les cerceaux, paniers, criardes, manteaux-volants des femmes et sur les autres ajustements». Je vous en partage un très court extrait:


«Lorsqu'un ornement est nouveau, 

Qu'il fatigue et qu'il incomode;

L'on veut avec un grand cerceau,

Paraitre Madame à la mode

(...)

L'une est maigre et voudrait cacher,

qu'elle n'a ni gorge ni taille;

Et l'autre voudrait empêcher,

Qu'on ne la mit parmi la canaille.

Chacune a donc intérêt,

Dans cette nouvelle structure,

Qui recèle quand il leur plaît,

Les disgrâces de la Nature»

 

Le livre duquel j'ai tiré cet extrait, un recueil de textes en vers et en prose sur le costume en France, écrit par Paul Lacroix et paru en 1852, identifie l'année de ce texte en 1712. Le texte original est disponible à la Bibliothèque Nationale de France et lui est plutôt daté de 1727. Merci à Mme Charlotte Stephan pour la confirmation de cette information. Comme quoi il faut toujours être prudent avec les sources secondaires, elles ne sont pas à l'abri d'erreurs. 

L’autre ajustement de mode qui apparaît dans les années 1710 est justement le manteau volant qui donne son nom à la robe volante. La décennie 1710 a lentement transformé le manteau formel de la fin du règne de Louis XIV en manteau volant comme illustré dans la série de peintures de Jean Antoine Watteau montrées plus haut. Elle est aussi appelée robe battante comme dans la lettre de la Palatine citée plus haut. Le manteau volant est caractérisé par l’absence totale de cintrage à la taille. C’est cette absence de taille visible que dénonce le chevalier de Nisart, arguant, entres autres, qu'il est dorénavant impossible de voir si une femme est enceinte ou non et que cette armure ne protège en rien la vertu des dames. Dans l'introduction de sa satire, il écrit que:

« Les plus sages ou les moins déraisonnables ne peuvent s'empêcher de blâmer cet excès où les femmes et les filles du temps font aller la mode, quand, sous l'abris d'un manteau volant et d'une jupe cerclée, de trente pieds de circonférence, l'on pense qu'on est possible de cacher les disgrâces de la nature, ou les marques qu'elle laisse de ses faiblesses.»


Hors, si les paniers on eu des circonférences aussi importantes au XVIIIe siècle, c'est plus à partir de la fin de la décennie 1720 qu'au début des années 1710. On peut imaginer que l'ampleur des cerceaux a augmenté lentement au cours des années 1720 jusqu'à être de 30 pieds selon le Chevalier Nisart.  En 1729, l'artiste Antoine Hérisset illustre les paniers de cette façon:

Les paniers 
Antoine Hérisset
1729
Collection Risjkmuseum

Les paniers de la fin de la décennie 1720 me font énormément penser aux crinolines du XIXe siècle. Les paniers ronds et larges ont eu une première période de gloire au XVIIIe siècle. Ce n'est cependant pas cette silhouette qui sera retenue comme silhouette phare de ce siècle, c'est celle du chapitre suivant.

 

Un autre pamphlet répond au Chevalier Nisart, supposément en 1712 selon le recueil de 1852 d'un auteur anonyme sous le titre :« Réponse à la critique des femmes, sur leur manteaux-volants, paniers, criardes ou cerceaux, dont elles font enfler leurs jupes». Je crois qu'il s'agit également d'une autre erreur de datation de 1852 et que ce texte est de la fin de la décennie 1720, puisqu'il répond au texte du Chevalier Nisart de 1727.

«C’est une extrème absurdité

De vouloir critiquer la mode:

Ce tyran de la liberté

Veut qu'à son gré l’on s’accommode.

Je ne la suis qu'à petits pas:

Elle ne veut pas que l'on recule

Et si je ne la suivais pas,

J’en deviendrais plus ridicule. »

 

Autrement dit, les gens avaient conscience que la mode et ses excès pouvaient être risibles. Seule une minorité d’hurluberlus osait défier les dictats de la mode au XVIIIe siècle. Surtout qu'être à la mode était une obligation lorsqu'on était une dame ou un gentilhomme de qualité pour se distinguer du peuple. Pour cette classe sociale, l'habit n'est plus seulement utilitaire, il est apparat. De la même manière en 2021, bien que la majorité des femmes se disent inconfortable avec leur soutien-gorge, très peu d’entre elles oseront aller travailler ou dans l’espace public sans ce dernier. La mode et les conventions sociales nous dictent comment nous devons nous comporter en société. Malgré les trois siècles qui ont passés depuis, cette affirmation est toujours vraie.


La collation
Artiste: François de Troy
1727
Source: Sotheby's


 L’apparition et la propagation de cette mode dénoncée comme plus libertine est possible par le type de gouvernance de Philippe d’Orléans, qui rappelons-le sépare la sphère publique et la sphère privée. Les gens de la cour n'ont plus la même pression sociale pour être en représentation constante et en profitent pour relâcher la pression de religiosité que la fin du règne du Roi Soleil exerçait. Il est vrai que Philippe d'Orléans lui-même était un grand libertin dans ses soirées privées.


La plupart des peintures de l'artiste Jean-François de Troy font jouer avec la confusion visuelle de la robe volante et la robe de chambre, créant une atmosphère d'intimité, pour ne pas dire sensualité dans un décor extérieur ou intérieur. Si la décennie de 1710 est celle de Jean Antoine Watteau, celle de 1720 est définitivement celle de Jean-François de Troy.


L'alarme
Artiste: Jean-François de Troy
1723
Collection V&A

La déclaration 
Artiste: Jean-François de Troy
1724
Metropolitean Museum of Art
Jeu du Pied de Boeuf 
D'après Jean-François de Troy
1725
Collection National Gallery



En choisissant délibérément des robes à couleur dominante blanche, la couleur des linges de corps (les chemises), Jean-François de Troy suggère les couleurs de l'intimité. Faut-il répéter les expressions de l'époque:«être comme cul et chemise » pour deux choses inséparables et  «être nu en chemise » lorsqu'on est habillé d'une seule chemise.



La jarretière détachée
Artiste Jean-François de Troy
1724
Collection MET museum

Au milieu de la décennie 1720, les robes volantes ont des paniers larges. Elles n'ont plus de pièces d'estomac et elles sont refermées à l'avant au niveau de la jupe. Quelques fois, on devine un assemblage de boutons. Laissons plutôt le Mercure de France de Janvier 1726 décrire la différence entre la mode de 1715 et 1725:


Mercure de France
Janvier 1726
Source: RétroNews


Mercure de France 
Janvier 1726
Source: RétroNews

Mercure de France 
Janvier 1726
Source: RétroNews

Il est à noter ici que l'auteur du Mercure de France nous informe que les dames portaient un vêtement de support de poitrine sous les robes volantes qu'il nomme un corset. À l'époque, le corps et le corset sont tous deux des vêtements de support de poitrine et définition de taille. Le corps est fortement baleiné tandis que le corset ne l'est pas ou les baleines qu'il a sont uniquement aux bordures des oeillets, en renfort à ceux-ci.



 

Jeune femme endormie
Entourage de Jean-Baptiste Pater
Anciennement attribuée à Jean François de Troy
1ière moitié XVIIIe siècle 
Source: Sotheby's




En 1729, les robes volantes ont assis leur domination de la mode féminine, comme l’indique le Mercure de France de mars de cette année-là «les robes volantes sont universellement en règne. On ne voit presque plus d’autres habits. » Vous pouvez lire le texte original, tiré du site RétroNews de la BNF dans les images suivantes ainsi qu'une gravure de la même édition du Mercure de France.


Mercure de France 
Mars 1729
Source: RétroNews

Mercure de France 
Mars 1729
Source: RétroNews

Mercure de France 
Mars 1729
Source: RétroNews

Mercure de France 
Mars 1729
Source: RétroNews

Mercure de France 
Mars 1729
Source: RétroNews

Si vous vous demandez ce qu'est une «bagnolette» qui n'est plus si à la mode selon le Mercure de France de 1729, il s'agit d'un type de coiffe pour dame comme illustré dans la planche de mode suivante de Antoine Hérisset, parue aussi en 1729.

 

Les Bagnolettes
Planches de mode de Antoine Hérisset
1729
Collection Risjkmuseum

Les palatines sont une espèce de foulard que les dames s'enroulent autour du cou pour se tenir chaud. On peut en voir quelques unes dans ce tableau:

 

Détail de L'hiver
Artiste Nicolas Lancret
avant 1731
Source: Sotheby's



Revue de mousquetaires 
Artiste:Paul-Ponce-Antoine Robert de Séri 
 1729
 Collection du château de Versailles

Ce tableau de 1729 illustre le caractère flottant de la robe volante. Ces dames se sont déplacées pour voir la revue des mousquetaires qui est un événement protocolaire militaire. Elles sont habillées pour être vues en public. On peut voir que les plis du manteau de robe sont très larges et à l’avant et à l’arrière, ce qui donne un aspect «sac-à-patates» à cette silhouette. De par la position de leur torse, on devine que le corps baleiné est toujours présent. En effet, on peut voir une rectitude de la colonne vertébrale bien qu’elles soient assises sur l’herbe. Aussi les manteaux des robes volantes sont souvent fermés au niveau de leurs jupes, on le voit sur la dame en blanc de face et on le devine sur la dame en rayé saumon.

 

Durant la décennie 1720, la grosseur des paniers va en augmentant, tout en restant circulaire. On le voit dans les gravures d'Antoine Hérisset que j'estime être au tournant de 1730. 

Habit unis Damoiselle en panier
Artiste Antoine Hérisset
Non daté
Source: Gallica

Perruque à face Dame en robe Manche en Pagode
Artiste Antoine Hérisset
Non daté
Source: Gallica



Les années 1730 vont voir les paniers prendre une forme de plus en plus ovale, étroite d'avant en arrière et large sur les côtés.


Madame Mercier entourée de sa famille
Artiste Jacques Dumont dit Dumont Le Romain
1731
Collection du département des peintures du Musée du Louvres


L'absence de cintrage de la taille est bien visible dans ce portrait de famille de la nourrice de Louis XV, Marie-Madeleine Mercier. Il est à noter que toutes les dames de ce portrait, malgré des âges différents, portent une robe volante.

La Déclaration (1731),
Artiste: 
Jean-François de Troy
1731
Collection du château de Charlottenburg
Source: M
eisterdrucke



Au cours de la décennie 1730, les paniers prennent une forme ovale comme pour la dame de dos avec sa robe bleue à fleur rose. Sur ce tableau, certaines robes ont la taille évasée comme la dame en gris à gauche et d’autres comme celle de dos en bleu foncé où la taille semble plus accentuée. Cela semble plutôt un effet d'optique puisque que la manche et le bras de la dame sont placés de façon à cacher la taille. Le manteau de robe rose se referme complètement sur la jupe tandis que celui de la dame en blanc reste ouvert sur toute sa longueur. Ce sont là des variations de la robe volante dans les derniers temps de son règne.



Dame à sa toilette recevant un chevalier
Artiste Jean-François de Troy
1734
Collection particulière
Source: artifexinopere

Le port du corset sous ces robes amples était toujours de mise comme le montre cette peinture. Je dois avouer que visuellement en peinture, je ne peux dire si le corset montré est un corps baleiné ou un corset sans baleines.

La seule source que j'ai trouvée qui précise que les femmes ne portaient pas de corps baleinés sous les robes volantes désigne des Autrichiennes qui imitent les Françaises. Mais l’écrivain Johann Georg Keyssler raconte dans sa lettre écrite le 1er août 1730 que l’Empereur a formellement interdit le port des robes volantes à la messe, dans les églises de Vienne : 

Lettre LXXXI
''A description of the city of Vienna''
from
Travels through Germany, Bohemia, Hungary, Switzerland Italy, andLorrain. Giving a true and just description of the present state of those countries ; their natural,literary and political history ; manners, laws, commerce, manufactures, painting, sculpture,architecture, coins, antiquities, curiosities of art and Nature, etc
Johann Goerg Keyssler
« For these two years past, if any woman comes in an Andrienne,Volante, or French sack, as it is called, either into St. Stephen’s or any other large church in Vienna, she is immediately ordered to withdraw. It was grown a custom among the ladies at Vienna, in the morning, to slip on a sack, without stays, or hardly any other covering, and in that garb hurry away to mass ; which indecent custom occasioned the present imperial prohibition. »

«Au cours de ces deux dernières années, si une femme entre portant une Andrienne, robe Volante ou robe à la française, comme on l’appelle, soit à Saint-Étienne ou dans toute autre grande église de Vienne, elle est immédiatement condamnée à se retirer. Il était devenu une coutume parmi les dames de Vienne, le matin, de glisser dans une robe volante, sans corps baleinés, ou à peine aucun autre vêtement, et dans cet habit se dépêcher de se rendre à la messe; cette coutume indécente a occasionné la prohibition impériale actuelle»
Si les autorités autrichiennes n'étaient pas tendres avec la mode importée de France, c'est peut-être parce que l'Autriche et la France sont à cette époque des ennemis séculaires. C'est dans ce contexte de détestation des Français que la robe volante tente de s'introduire dans la ville de Vienne, un contexte qui ne lui est pas favorable, en plus de sa ressemblance avec les robes de chambre.

Il faut noter aussi que le texte indique seulement que les dames portant des robes volantes ne portaient pas de corps baleinés ''stays''. En anglais comme en français, à l'époque, il existe au moins deux grandes catégories de vêtements de soutien. La première, les corps ou ''stays'' sont des vêtements hautement structurés avec des fanons de baleines pour donner au corps de la femme une forme conique. La seconde catégorie, les corsets ou ''jumps'' n'avait aucune baleine ou seulement au bord des oeillets pour les renforcer. Le Mercure de France de Janvier 1726 semble dire que le corps baleiné était réservé à la mode des manteaux et que le corset est de mise pour les robes volantes.

En même temps, sous les multiples plis de la robe volante, le vêtement de support n'est là que pour empêcher les mouvements indésirables et inconfortables de la poitrine, il ne sert en rien à amincir la taille. Le corset est plus léger et confortable que le corps baleiné.

Femme préparant un repas dans un décor d'intérieur
Artiste André Bouys
1ère moitié XVIIIe siècle
Source: Artnet


Les oies de Frère Philippe
Artiste Étienne Jeaurat
1734
Collection du musée des Beaux-Arts de Valenciennes

Le paysan cherchant son veau
Artiste Étienne Jeaurat
Non-daté
Source: Dorotheum





Les exemplaires de robes volantes des collections muséales proviennent majoritairement des décennies 1720-1730. Les robes volantes suivantes proviennent des collections du Palais Galliera.






Robe volante
1720-1735
Collection Palais Galliera

Robe volante
1720-1735
Collection Palais Galliera


Robe volante
1720-1730
Collection Palais Galliera

Robe volante
1720-1730
Collection Palais Galliera

Robe volante
1720-1730
Collection Palais Galliera



Robe volante
1730-1740
Collection Palais Galliera

Robe volante
1730-1740
Collection Palais Galliera




Dans les gravures de foules, on voit aussi une évolution des formes de la robe volante entre 1710-1720 et la période suivante avec ses paniers volumineux.

Esquisse 
Artiste Sébastien Leclerc
1696-1700
Source: Bibliothèque Numérique de Lyon

Je vois dans cette gravure les prémices des manteaux volants.

La sonnette a sonné, Abaisse la lanterne...
Artiste:Nicolas Guérard
Après 1667
Collection Musée Carnavalet

La dame au coin gauche de la gravure me fait penser que la gravure daterait plutôt de 1710 puisqu'elle semble être dans les balbutiements de la robe volante tel que vu dans les premières peintures de Watteau montrées dans ce chapitre.



 

Les robes volantes sur de larges paniers circulaires sont nombreux sur les portraits suivants, vers 1730.

Bassin de l'encelade
Artiste Jacques Rigaud
Vers 1729-1752
Collection du Château de Versailles


 Vue du Château de Trianon du côté du Parterre
Auteur: Jacques Rigaud
Non daté
Source: Gallica

Château de Versailles, vue de la Chapelle
Auteur Anonyme
Vers 1725
Collection du Château de Versailles


Je crois avoir fait ici un tour assez complet de la robe volante. 

Je le répète, je n'ai malheureusement trouvé aucune citation en provenance de la Nouvelle-France pour la mode de la robe volante.



Dans la seconde moitié de la décennie 1730, les tailles des robes commencent lentement à s'affiner pour en 1739, transformer définitivement la robe volante en robe à la française. Fait à noter, dans la citation de Johann Georg Keyssler, la robe à la française, la robe volante et l'Andrienne sont trois synonymes à Vienne en 1730.


Je n'ai pas trouvé de tableaux de transition comme lors de la fin de mes deux derniers chapitre. C'est pourquoi je vous laisse avec une dame portant une robe à la française de François Boucher.

Le déjeuner
Artiste François Boucher
1739
Collection Musée du Louvres


Quelques informations de cet article ont été tirées du mémoire de maîtrise de 2014 de Mme Charlotte Stephan intitulé : La robe en France, 1715-1815: nouveautés et transgressions, à regarder avec les annexes. Ce fut pour moi une lecture bien intéressante que je vous recommande.

Encore une fois, je voudrais remercier chaleureusement Michel Thévenin pour la relecture et correction de cet article.


Mlle Canadienne










2 commentaires:

  1. pardon, mais je me permets un détail. le début du XVIIIe correspondant, les robes volantes se portaient sur des "criardes" nom justifié par le bruit qu'elles produisaient para les frottements dut a leur matière... ça me semble essentiel pour différencier les robes qui par la suite se portaient sur des paniers permettant d'accentuer la silhouette plus plate devant qui se développera par la suite sur les paniers à coude !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour,
      Lors de l'écriture de ce texte, le seul texte d'époque que j'avais croisé qui mentionnait la criarde était dans le titre de Jean-Félix d'Hénissard, aussi nommé le Chevalier de Nisart dans des sources secondaires, sans autre description. Je viens de faire une recherche dans les quatre premières éditions des dictionnaires de l'Académie Française, le seul qui réfère à une définition textile est la quatrième édition de 1762 qui est la suivante: ''se dit substantivement d'une grosse toile gommée, qui ne se frotte point sans faire de bruit''.

      J'aimerais bien savoir de quelle source vous tirez votre information.
      Merci de l'attention que vous avez portée à cet article.

      Supprimer

Question de vocabulaire: casaquin, vêtement à plis ou sans plis?

Bonjour, Depuis plusieurs années je m'intéresse aux vêtements du XVIIIe siècle et je dois avouer qu'aucun mot ne m'a autant embr...