Avec un peu de retard, j'aimerais revenir sur les Fêtes de la Nouvelle-France 2019. J'y ai présenté une conférence le samedi 3 août sur la chevelure masculine au 18ième siècle avec mon conjoint (et historien) Michel Thévenin. D'ailleurs, si vous voulez en voir quelques extraits, je vous invite à lire son article sur le sujet.
Durant la présentation aux Fêtes de la Nouvelle-France 3 août 2019 |
Nous avons eu plusieurs commentaires positifs et j'aimerais remercier les gens qui se sont déplacés pour venir nous voir et nous entendre.
J'aimerais ici faire un petit supplément d'informations par rapport a notre conférence.
Je vous invite à relire mon article sur les droits de pratiques du perruquier ainsi que celui fait avec l'aide de l'historienne Sophie Imbeault sur les perruquiers en Nouvelle-France (et accessoirement sur l'affaire des papiers du Canada).
Faisait-on des perruques au Canada au 18ième siècle?
Nous n'avons pas trouvé d'évidences directes que les perruquiers fabriquaient des perruques au 18ième siècle. Par contre, les sommes réclamées en lettres de change et papiers d'ordonnances par les perruquiers en 1763-1764 nous laisse à penser que oui, soit entre 210 et 4299 livres par perruquier.
À titre de comparaison, selon l'exposition du Musée Steward de 2018 ''Paris en vitrine, les boutiques au 18ième siècle'', le salaire annuel d'une servante varie entre 24 à 33 livres, celui d'un charretier entre 54 à 66 livres et celui d'un garçon d'écurie entre 60 à 66 livres.
Selon l'exposition ''Noblesse oblige!, la vie de château au dix-huitième siècle'' du Château de Prangins, musée national Suisse, un domestique gagne en moyenne 30 livres par semestre, donc 60 livres annuellement. Le salaire est donc sensiblement le même pour un domestique à Paris qu'en région (Prangin est au bord du lac Léman actuellement en Suisse, anciennement considéré en France à l'époque qui m'intéresse).
Lorsque je compare le salaire annuel d'un domestique, environ 60 livre par an avec les sommes réclamées par le perruquier Larche de Montréal de 4299 livres, je crois qu'il pratiquait l'activité la plus lucrative des perruquiers soit faire des perruques.
Petite anecdote perruquière au coeur de la guerre de sept ans
Lors de la fameuse bataille des Plaines d'Abraham le 13 septembre 1759, l'officier Louis-Antoine de Bougainville dont le campement était à Cap-Rouge aurait été averti par un perruquier de l'attaque des Anglais. Qui était-il, où vivait-il, l'histoire ne se souvient que de son métier...
Discorde entre corps de métiers (du moins à Paris)
Il ne faut pas mélanger coiffeur et perruquier...
Le corps des perruquiers a été inventé pour suivre la mode capillaire sous Louis XIII. Ce roi au début de son règne par maladie a perdu l'abondante chevelure qui le rendait si fier, décida de porter des cheveux factices pour retrouver son honneur capillaire perdu. Selon L'art du Perruquier de M. de Garsault (1767), seuls les perruquiers ont le droit de manier les cheveux des deux sexes depuis l'apparition du corps des perruquiers au début du 17ième siècle. Ceci inclut les soins de la tête (coupe de la barbe, coupe des cheveux, soins du visage) et la fabrication de la perruque.
Il semble que les perruquiers avaient négligé la gente féminine car un autre corps de métier apparait quelque peu illégalement au début du 18ième siècle: le coiffeur ou la coiffeuse. Ces termes ne désignent des gens de métier qui ne s'occupe que des cheveux de dames. Rappelons que les perruquiers font les cheveux des deux sexes, c'est-à-dire qu'ils les coupent aussi si la personne ne porte pas de perruque. Or dans les années 1760, la coiffure féminine change rapidement et commence à s'élaborer. Les perruquiers ne veulent pas se faire couper l'herbe sous le pied pour cette clientèle qui leur est légalement réservé. D'ailleurs, M. de Garsault dans le chapitre sixième ''des cheveux et perruques de femmes'' dans son Art du Perruquier précise que ces ouvriers et ouvrières qui se nomment coiffeur ou coiffeuse qui ne font pas parti du corps des perruquiers sont saissisable car le droit d'accomoder les cheveux des deux sexes appartient à eux seuls (les perruquiers)!
La réponse des coiffeurs est diffusée deux ans plus tard sous forme de pamphlet de 16 pages en 1769: L'art des coeffeurs de dames contre le méchanisme des perruquiers, poème. À lire ce poème, la discorde entre les coiffeurs et les perruquiers est palpable. Les coiffeurs prient ces dames de ne pas confier leur tête à cette engeance perruquière aux doigts savonneux, les traitant dès la première page de despotes chimériques ayant un empire tyrannique... Bref, les mots sont rudes envers les perruquiers.
C'est que perruquiers et coiffeurs voient en la chevelure féminine l'avenir de leur métier, la perruque masculine déclinant progressivement à partir du milieu du dix-huitième siècle. Marie-Antoinette rivalisera d'inventivité pour renouveler les modes féminines durant la décennie 1770 avec les perruques extravagantes qui ont marqué l'imaginaire du 18ième siècle jusqu'à nos jours. Donc oui, je crois que les coiffeurs et perruquiers avaient chacun leurs raison pour essayer de s'abroger le droit exclusif d'accomoder les cheveux des dames en 1767-1769.
Voici trois portraits de Marie-Antoinette, reine de France réalisés à différentes périodes de sa vie, regardez l'évolution de la mode capillaire féminine.
Portrait de 1769 par Joseph Ducreux La coiffure a déjà commencé à être plus haute qu'en 1740-1750 |
Portrair de 1775 par Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty Le ''pouf'' est à la mode, mélangeant hauteur et boucles contre la nuque |
Portrait de 1783 par Elisabeth Vigée-Lebrun, La coiffure n'a plus de hauteur mais de la largeur et beaucoup de bouffant... |
Des perruques dans les inventaires en Nouvelle-France.
Un dernier petit mot pour dire qu'il est mentions de perruques dans deux inventaires mentionné dans le lexique illustré de la Nouvelle-France 1740-1760 par Suzanne et André Gousse. Suzanne Gousse est aussi responsable du développement des patrons historiques La Fleur de Lyse.
Alors voilà, je voulais partager quelques approfondissements sur les perruquiers en Nouvelle-France
Mlle Canadienne
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