Ouf! Voilà un titre bien long! En fait, je veux partager ma démarche et les compromis malheureusement nécessaires dans une démarche d'authenticité lors de la reproduction de costumes. Pour mieux expliquer mon propos, je devrais parler des différences de qualités entre les ressources actuelles et celles de l'époque.
Allons-y point par point, je risque de moins m'égarer sur le sujet.
1- L'origine de la fibre
C'est vraiment le premier point que je regarde. Le tissu doit être 100% naturel et venir de fibres disponibles à l'époque. Exit le polyester, le synthétique et même la viscose ou le bambou.
À éviter absolument:
Le polyester, le vinyle, l'acétate et fibres artificielles, je ne les connais pas toutes par leur nom. Le costume historique, vous le savez surement, est composé de multiples épaisseurs de tissus. Malheureusement, bien que très abordables, ces fibres ne respirent pas. Une simple épaisseur de ces tissus donne l'impression d'être enfermé dans une micro-serre, alors 3-4 couches c'est assez pour suffoquer. De plus, ces fibres ont souvent un aspect bas de gamme, même si le patron utilisé est historiquement adéquat. L'utilisation de fibres artificielles contribue à donner l'impression que les vêtements de l'époque ''étaient vraiment plus chauds'' pour le public et les personnes qui les portent.
Passable mais non-historique:
Les tissus de fibres synthétiques naturelles. Le bambou et la viscose sont des exemples de ces fibres. Les fibres sont naturelles mais le procédé qui a été utilisé pour les filer a requis des produits chimiques. La texture du tissu est donc altérée par le processus chimique. Ces tissus respirent, donc peuvent être un compromis.
Fibres historiques:
Les fibres naturelles. Leurs origines varieront tout dépendant du personnage que vous voulez interpréter. Laine, lin et chanvre pour les classes sociales ouvrières, soie et coton pour les classes les plus aisées. Pour mes créations, je me méfie des compositions mixtes de fibres, par exemple un voile de coton et soie pour un mouchoir de cou, parce que je ne sais pas si à l'époque on aurait osé mélanger les fibres et si oui comment ils l'auraient fait à l'époque et comment cela a été fait pour le tissu que j'ai entre les mains.
Laine de mouton
2- Le tissé du tissuSans entrer dans les détails trop techniques, la manière dont les fibres se croisent changeront l'apparence du tissu.
Le vocabulaire des différents types de tissus est vaste et il varie selon l'époque. Ce point est vraiment un défi lorsqu'on commence à s'intéresser à l'art textile. Trouver les équivalent moderne aux termes de l'époque est en soi un défi que je n'ai pas terminé, et que je ne terminerai peut-être jamais.
Tricot, voile, taffetas, toile, serge, organza, velours, droguet, brocard.... Tous ces mots désignent une manière différente d'assembler des fils ensemble pour former des tissus.
Par exemple, un tricot de coton est acceptable pour des bas mais ne le sera aucunement pour une chemise.
Bas en tricot de soie, jarretière en satin de soie, jupon de toile de lin...
3- La qualité du fil
Malheureusement, lorsqu'on magasine des fibres naturelles aujourd'hui, plus souvent avec le lin et la soie, on se retrouve avec des tissus qui ont des ''défauts'' dans le fil, sorte de petites boursouffles qui arrivent ça et là dans le tissu. Le meilleur exemple que je puisse donner les le dupionnis moderne, mais on retrouve très souvent ce défaut dans les toiles de lins modernes.
Ces boursouffles arrivent parce que le capitalisme industriel a pris le pas sur le mercantilisme dominant au dix-huitième siècle. (Au passage, merci à Cathrine Davis pour la différentiation)
Au dix-huitième siècle, durant une période de mercantilisme, les fibres naturelles étaient plus triées qu'aujourd'hui afin d'obtenir un produit de qualités diverses mais généralement supérieures. Ce qui réduisait beaucoup la présence de boursouffles dans les tissus de lins. En fait les tissus présentant ces défauts étaient considérés de mauvaise qualité. Le mercantilisme assure des produits de qualités en rémunérant adéquatement les artisans en fonction des produits qu'ils fournissent.
Aujourd'hui, durant l'apogée du capitalisme, les industriels utilise tout le matériel de fibre disponible au détriment de la qualité du fil et du tissu. Cela permet de réduire les coûts sur l'achat de matériel. Une autre réduction de coût se fait via l'utilisation de machines au détriment de la main d'oeuvre. Le résultat est un tissu présentant des boursouffles. Trouver un tissé de lin ne présentant pas ces boursouffles est aujourd'hui quelque chose de très difficile alors que cela était aisé au 18ième siècle.
Par conséquent, et étrangement pour plusieurs, la qualité des tissus d'aujourd'hui est bien inférieure à celle de cette époque. L'obsolescence rapide des objets qui nous entoure y est aussi pour quelque chose. C'est à dire les objets du vingt-et-unième siècles sont créés pour être jeté rapidement (pour se procurer de nouveaux produits puisque les anciens sont dépassés)
Pour en revenir au Dupionni, si aujourd'hui ces petites boursouffles sont considérées comme esthétiques sur la soie Dupionni, elles auraient été globalement boudées par les gens capable de se l'offrir au dix-huitième siècle. Pourquoi acheter une fibre si dispendieuse si son apparence est rustique et négligée?
En fait, il existe un exemplaire exposé dans un musée allemand d'un vêtement 18ième siècle fait avec ce type de soie. Pour la centaine d'autres vêtements de soie sans boursouffles de cette époque qui nous est parvenu en portrait et en artéfacts, je souligne qu'il s'agit d'une exception.
Crédit photo: Freya Hourani
Il y a peut-être un terme plus exact pour cela. Lors du tissage, les fils peuvent être plus ou moins serrés les uns contre les autres. Surtout pour les tissus de lins, encore, les tissus disponibles actuellement sont tissé moins serrés que ce qu'on peut trouver dans les originaux. Il est possible d'en trouver, mais après des heures de recherches auprès de fournisseurs et contacts, et souvent hors de prix (60$/m pour une chemise qui est majoritairement recouverte... Ça peut faire mal au portefeuille)
La densité et la qualité du fil ensemble vont donner le poids du tissu choisi.
5- Le design du tissu
S'applique à tous les tissus qui ne sont pas uni. Ce point mériterait un article à lui tout seul tellement il est difficile de le résumer.
5.1- Les rayures
Elles sont uniquement faites par le changement de la couleur des fils du tissu au dix-huitième siècle. Je ne sais pas à quel moment exactement cela a changé mais il était impensable de les imprimer. Elles doivent être uniformes ou symétriques et non aléatoires.
5.2- Les motifs
À moins de faire une recherche vraiment approfondi, les motifs sont à éviter car les erreurs sont vraiment faciles à faire. Pour débuter votre recherche ou réflexion, je vous propose cet article de la couturière parisienne. (En anglais, désolé)
5.2.1- Les brocards et Damas
Ce sont des tissus dont le motif est lié à la manière dont les fils se croisent.
Un exemple de Soie damassée ici.
5.2.2- Les broderies
Est-ce qu'une définition pour la broderie est vraiment nécessaire? Dans le doute, la broderie est une technique par laquelle des points de couture recouvre une pièce de tissu et forme un motif.
5.2.3- Les indiennes
Les indiennes sont des toiles peintes, au pinceau ou avec des blocs de bois. Au départ, elles étaient importées des Indes, d'où leur nom. Elles sont majoritairement faite de cotton. Au départ, les indiennes englobaient aussi les toiles de cotton non-peinte mais le terme a fini par ne désigner que celles peintes.
Les indiennes représentent majoritairement des fleurs dans un style artistique particulier. Leurs motifs ont évolué au cours des 17ième et 18ième siècles.
Il y a encore beaucoup à découvrir sur les indiennes à mon avis. Légalement, elles étaient bannies du Royaume de France depuis Louis XIV. Elles étaient donc officiellement de la marchandise de contrebande. Malgré tout, il possible d'en retrouver des traces même en Nouvelle-France dans les inventaires.
Victoria and Albert Museum
Pour en savoir plus, cet article parle de la réalité des indiennes en France au dix-huitième siècle.
Pour ceux qui sont au Québec, l'exposition interactive du fort Chambly sur la contrebande est très intéressante, on y parle un peu d'indiennes.
Donc oui, je contreviens à la loi avec ma robe en indienne!
Alors voilà un aperçu des questions que je me pose avant d'acheter un tissu pour une confection. C'est un beau problème que de vouloir représenté adéquatement ce siècle des lumières.
Mlle Canadienne
P.S. Pour plus de détails techniques à propos des tissus des 17ième et 18ième siècle, je recommande vivement ce site : http://100associes.free.fr/Expo4/ExpoTemp4.html
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